Ajouté le 3 nov. 2016
LE JOUR EST PRESENT
Où trouver la meilleure cachette en ces lignes ?
Pour oser dire que le monde est bon, que nous sommes tous liés.
Du flux du cap, à la mardelle à la croix, au muret qui souligne,
En latin de chiffres ou en langue de métiers.
Partir de la vie, un matin de soleil sous le cristal,
D’un ciel d’où l’on voit le bon côté des choses,
Laisser sur l’échiquier les adages, les feuilles, les timbales,
Et prendre la rue qui tourne, bâtisseuse de la dernière osmose.
Le travail consiste à poser les mots, limitrophes,
En une mosaïque imprimée, immobile, une pièce unique,
Trouver la lumière de la première à la dernière strophe,
Et sur l’embarcadère, signer joyeux d’un astérisque.
La meilleure cachette existe en nous, échos de partout,
Fenêtres sur la vie, sur l’éternité, sur ici,
On y trouve des diamants, des curiosités à cent sous,
L’art, c’est la réponse, c’est le sésame, sans encyclopédie.
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VOYAGE EN TEMPS SEREIN
Pourquoi ne pas partir de ce ruisseau, de cette eau fraîche
Prendre la Rue de l’Image et s’arrêter au fronton,
Séjourner à l’ Hôtel des Parfums, graver à la pointe sèche,
Son amour de la vie, sa station immobile, au ponton.
Contempler le temps qui passe, le vrai, le serein, comme une cérémonie,
Claire comme le faisceau du phare dans la nuit,
Au loin, le bout du monde peint l’azur en bleu,
Se perdre Rue de Seine, voir scintiller la ville, un camaïeu.
Composer un voyage d’agrément sous un soleil nocturne,
Savourer le nectar nouveau, la perle des vieilles lunes,
Son nom brille comme la lanterne de la lagune,
La ville à portée de voix, antique conférence de fortune.
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BAUME DE PLUIE
La pluie aime discuter avec les vagues,
Elle y trouve des idées, la source de son présent,
Elle lui chuchote ses idéaux de croisière, lui raconte des blagues,
Surtout hors-saison, quand le panorama s’estompe, médusant.
La pluie aime du ciel sa lumière blanche,
Celle qui inonde le cap et irradie les forêts,
Des lacs, des étangs, elle parle à travers les branches,
Et bâtit une architecture de gouttes longues, des galets.
La pluie savoure le calme, pose des onguents, des baumes de gala,
Elle joue l’instant au milieu des tournesols,
Accompagne les hirondelles, de la Rue des Carmes au grand acacia,
Et s’évanouit dans l’esprit du temps, quand le soleil monte du sol.
***
BOUSSOLE
Un bijou en forme de boussole, pour aller d’un point à un autre,
Si on passe par le point de départ, on sait toujours se repérer,
On tire au sort la lettre de son choix, une feuille de route, surtout la nôtre,
Pour contourner l’arbre en fleurs, puis de la côte, prendre le sentier.
Au bord de la falaise, surtout s’il pleut,
Faire une prière à la multitude, l’âme en costume,
Garder à la main son panier de sable bleu,
Et lever le nez vers les nuages, un dialogue à la brume.
Faire la courte échelle pour atteindre la lune,
Dorant les épis célestes d’une villa en vermeil,
Souhaiter la protection des affluents, des lagunes,
Dompter la nuit en une nef médiévale et trouver le sommeil.
Un séjour prestigieux en cet être-là, quartier de l’Espérance,
Un voyage à Rome, ou à l’époque médiévale,
Rencontrer un linguiste, un luthier, un agent de la science,
Choisir d’écrire en lettres grecques, le jour de la fête immémoriale.
***
L’ECRIVAIN D’ARGILE
La place du marché joue le chant de l’alouette
Portant un rameau de croyances, brillant et doré,
C’est le printemps, elle songe à une pause, jouer des sornettes,
Elle est reconnaissante de ne pas être née avec des plumes bleues.
Celles que l’écrivain, dans son décor de murs peints,
Trouvera sur son lit, les yeux rêvant au cadran,
L’afflux d’élixir emplissant sa tête, brûlant ses mains,
L’été est là, la lumière est magnifique, bienheureux son talent.
Le plus beau livre de sa vie, il l’exposera dans la maison de bois,
Les mémoires du canal rendront son temps poétique
Au carrefour de ses jours, contre les lilas, le souvenir en croix,
Il s’épanouira à regarder ses rêves capturés, amnésique.
En toute saison, jusqu’à la fin, il apostrophera demain,
Il regardera d’où il vient, du sud vers l’ouest parisien,
L’horloge du marché aux fleurs sonnera en vain
L’argile dont il est fait rencontrera son destin.
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LA PIERRE ANGULAIRE
Libre comme la statue gourmande du onzième
Fière de sa conquête boréale, de son épanouissement,
Au coin des toits, ménagère, animal totem,
Elle se voile les yeux de rosée, craint l’éblouissement.
Elle se vit au coin du feu, en reflet dansant dans les ombres,
Au loin, une plaine de passage, paisible,
Au-dessus, un quotidien de nuages blancs, en nombre,
Longtemps après viendra le repos, invisible.
Des pulsations sages auprès du seuil chaud
La perle rare écoute les bruits du village
Au même endroit souffle la plénitude de là-haut,
Elle rêve de frontière, de pôle, de mirage.
Mais la pierre angulaire ne voyage pas,
Elle tisse des liens forts, inamovibles,
Se pense colombe ou colombine, en robe d’apparat,
Ancrée à l’édifice, dôme au langage intraduisible.
***
Muriel Cayet - Novembre 2016
Quelques enveloppes peintes pour faire voyager les mots...