Ajouté le 26 oct. 2016
Alchimie
Expliquer une épreuve de vérité
C’est comme décider de fermer les jalousies
Pour que des sciences tous les secrets
Puissent s’opposer à l’ennui.
Exposer ses recherches au soleil
C’est comme vouloir interdire la réponse
Pour que les ondes dans leur sommeil
Rêvent d’or, en grammes, en onces.
Informer la lune de sa révolution
C’est comme vouloir avilir le grandiose
Pour que les atomes, les ions, les protons,
Cessent de jouer à l’enchanteur qui ose.
***
Nuit de noces
Un sourire dans un éventail de larmes
De celui qui suspend les dangers
Quand silencieux, fondant en son âme
Comme la lave dans la mer Egée.
Un visage nu maquillé de satin
Pour émerveiller le jeune ahuri
Une nuit volcanique étouffée du matin
Traces jalouses sur les chastes broderies.
Un regard à étonner les amours vaincues
De celui qui éloigne les regrets
La jeune femme a tué l’ingénue
Mais grince entre ses dents qu’il n’aura pas sa liberté.
***
La transparence de la brume vint interroger l’homme
Placide comme le charretier aux guides sensibles
Pour lui demander quoi ?
Un reflet sur une soie imaginée du matin.
Au pied de l’observatoire questionnant le ciel.
Qui lui répondit quoi ?
Seul le silence des nuits fera naître l’espoir d’une réponse.
***
Le poète n’utilise jamais une encre déserte
Elle souffle toujours un vent habité
De la folle passion qui tue la bluette
Sous le désir pourpre d’une nuit d’été.
Les songes chuchotés au pied de la fontaine
Sous les ramures du cèdre centenaire
Trop larges pour le décor, pour la mise en scène,
La toile de fond chahutant l’atmosphère.
Les murmures du roi et de son fils languissant
Au destin lié à un crâne, à une sphère
Sur les bords de l’Avon, sur le fleuve glissant
Gravent le sceau de leur argile amère.
***
La surface historiée
Bleue comme une crique miniature
Droite comme un phare à la fenêtre
Douce comme des grillons en costume d’alpaga.
L’oiseau vogue dans la transparence du cristal de la plage
L’esthétique des grands pavois
A l’exposition des voiles de lin
A la barre aux coutures d’ajoncs
Au coussin d’hiver en mousseline
L’oiseau vole sur les tableaux de galets.
La folie vague des couleurs
Le style des confusions aux illusions,
De la galerie des coquelicots en caraco
L’oiseau voit naître de son nid des tissages de quartz.
***
A l’abri du monde
Cela arrive toujours à l’abri du monde
Quand les vitraux des églises
Et les ombres des hauts rochers
Annoncent dans un figuré de réalité
Que les temps sont venus
Pour les druides des archipels
D’orner de dimanches les couleurs de la ville.
***
Midi en avril
Midi règne sur la mer
Avril naît d’un sillage d’écume
La frontière italienne se rapproche
Dans un nuage de sable sur la Riviera.
Un rayonnement aveugle l’horizon
Une illumination comme le faisceau d’un réverbère
C’est un jour très calme
Sous le riche parfum du destin et du temps.
***
Les mots ne volent pas dans l’air immobile
Ni ne voguent au rythme salé des vagues
Ni n’ornent de soleil les lustres des châteaux
Pas même les plus jolis du monde.
Les mots ne parlent pas aux paysages familiers
Ni ne coulent le long des torrents
Ni ne tombent dans les abîmes sans fond
Pas même les plus profonds du monde.
Les mots ne pâlissent pas la nuit
Ni les épais brouillards des falaises incertaines
Ni sous les éventails des étés à l’Escurial
Pas même les plus mystérieux du monde.
Les mots ne tombent pas verticaux
Ni sous les cascades, ni par-dessus les océans
Ni des clochers, ni des ponts, ni des hôtels
Pas même pour se taire.
***
Des grains bleus roulés par les vagues
Des forêts de mâts, des tissages de haubans
Un rayonnement de flots calmes
Règnent immobiles en matinée.
Où est le poète ?
Demandent les fleurs silencieuses.
Il récompense la vie
Répondent en chœur Harmonie et Fantaisie.
Peut-il se jouer de toutes choses ?
Au fil de l’eau, sous le grand vent
L’œil magique n’y voit que merveilles
Et se régale de bienfaits.
La mer est belle vue du rivage…
***
La mémoire a ses jardins
Des îles, un horizon, des soirs bleutés
Au jour tombé, elle se replie, elle se couche
Sur les rivages d’un oubli programmé.
Et d’autres soirs
Cherchent la clé d’un sommeil sans lune
Regardent dans les yeux le gel face au soleil
Creusent le silence sur les terres polies.
Des quatre coins de la Terre
Les vents passent sur les abris
Courent les rues, les campagnes, les demeures
Quand tombent les étoiles de la nuit.
***
Ah ! La belle mémoire
Qui résonne à l’heure proche du crépuscule
A travers les campagnes
D’une lointaine méditation
Un équipage de chuchotements.
Ah ! Quand le jour se lève tard
Quand ancré dans le port
Sur le bon sable, à l’ombre des voiles
L’apparence du soleil
La force étoilée de la nuit.
Ah ! L’enchantement des sentiers de la mer
Tradition en Cornouailles, les contes mystérieux
Une façon de faire venir le vent
Une légende dorée.
La mythologie des gens des côtes.
***
Au pays des chemins sur la mer
La tradition est celle de l’enchantement
Faire fi de l’apparence du soleil
Pour les gens des côtes,
La nuance est capitale.
Le zéphyr et ses légendes dorées
Ne soufflent pas en pays de Cornouailles
Mais ils savent comme personne
Faire venir le vent.
En dehors des mers
Et des histoires de vent debout
Sous la face étoilée de la nuit
La vie est ce conte venu tout droit de la mythologie.
***
Comment s’entendre sous les gouttes
D’un concert, des embardées, des courants, des marées, de sons d’or.
Savoir que l’harmonie joue sa vie sur tapis rouge ou vert
Quand face au violon cherche à s’imposer le cor.
Sonne, résonner ou mugir, frapper, vrombir, ou pleurer.
Les cordes blanches, les cuivres noirs se moquant des marteaux
Guerre fratricide d’outils sonores ensorcelés.
***
Proche de tout pour se rapprocher de soi
Intemporelle proximité des lieux
Survivance des pierres
La vie est un vagabondage disponible, une promenade éperdue, des souvenirs survivants,
D’histoire accessible.
Partout chez soi, amusée et proche de la vie, de sa proximité.
***
Le rivage pour toute barque
Le sable bleu pour accueillir la lumière
Un repos avis assis sur la plage
Le spectacle d’un voyage
Libre comme le verbe du renouveau.
***
Chanson de la lumière
Il n’y a pas de meilleure lumière
Que les grains d’or roulés par les flots
Illuminant en sourdine, les fleurs silencieuses.
Il n’y a pas de meilleure lumière
Comme une récompense de la vie
Que l’argent des haubans dans leur forêt de mâts.
Il n’y a pas de meilleure lumière
Que cette riante matinée
Vagabondant la fantaisie.
Il n’y a pas de meilleure lumière
Que le couchant de la rive
Emerveillant les ruisselets.
Il n’y a pas de meilleure lumière
Grains d’or, haubans, matin riant et horizon du couchant.
En une puissante harmonie sans hier.
***
Un après-midi au début d’août
L’élan était donné, nul doute
Dans l’édifice circulaire, scène rêvée
Bonheur du jour, panorama tamisé.
Les feux de la rampe en totems de ciel
De belles fleurs roses, une galerie exceptionnelle
Un décor de ville absente, danoise on dirait
Un théâtre d’observatoire, définition de son palais.
Un après-midi au début d’août
Sous le globe, on donnait Hamlet, no doubt
En arrière-plan les images aquatiques
Le rêve n’est bon que s’il est emblématique.
***
Une fois la question lancée
Dans un mouvement d’automate cadencé
Elle ose ses appels au vent
Le nez au ciel sous les étoiles, tombant.
Le froissement de l’eau dans le courant d’air
Une tension extrême sous les vagues cavalières
Oubliée l’odeur des salles de jeux, de Deauville, les rues
Grader des fêtes foraines, un simple souvenir diffus.
Une fois la question lancée
A quoi bon pourquoi faire ? Où aller ?
Elle prit la route du vieux marché
Celui des temps calmes et des souvenirs dorés.
La même demeure, l’écurie, le moulin multicolore
Elle choisit cet ici, désormais, loin des ors
Brest et son arsenal le Faou et sa citronnelle
Pour jouer le seul rôle magique : la vie d’elle…
***
C’est très gentil de votre part
D’avoir placé l’échelle
Au bord de la falaise, en rempart
Aube levante sur la crête des ailes.
Les tambours menaient un train d’enfer
Sous les vents des confins
La sagesse, silencieuse, des écossais de fer
Gouttes de sang d’or sur l’empreinte des mains.
Le clapotis des vagues comme des fragments d’étoffes
Plaids déchiquetés tambours massacrés
Le criquet écrit le secret de la vie, en voix off
Scène finale sous le grand acacia du pré.
***
Le secret de Tristan
N’est certes pas le plus joli du monde
Il se cache sous des éventails menaçants
Et dans les confins d’une antique mappemonde.
L’air immobile quand la lumière pâlit
Lui rappelle les lustres du château
Au rythme de chaque vague, petit à petit,
Renvient sonner le drame de la Saint-Bruno.
L’eau tombait verticale, en torrent de la caverne
Au loin, les clochers de Saint Genestre
L’hôtel de l’Escurial, des falaises incertaines
C’est ici que je dois être.
Le secret de Tristian
Est terré dans ses paysages familiers
Par-dessus un océan si calme, demain ou dans dix ans.
Il le jettera avec lui, dans les flots, à tout jamais.
***
Jours d’Ouessant sous le patronage de la Duchesse Anne,
Rochers en rubans, saisons en meublés
Porcelaine de brume, écheveaux diaphanes
Le Menez-Hom comme phare de nos jeunes années.
Un chaviré de matériaux composites dans les vagues
Arles en matinées, le Finistère, l’été
Un métier à tisser, l’alpaga ou les vagues
Géographie d’intérieurs, canevas de décor mouillé.
La distraction des années folles, un échantillon frivole et suranné,
Le moelleux des revues, leur confort cramoisi,
L’arrière-pays en chemin léger, ou en flanelle assaisonnée,
Dans le tourbillon incessant de la vie.
Muriel Cayet - Poésie Au Présent - Automne 2016